lundi 18 novembre 2013

La servante écarlate de Margaret Atwood



Editions Robert Laffont

Résumé :

La servante écarlate, c’est Defred, une entreprise de salubrité publique à elle seule. En ces temps de dénatalité galopante, elle doit mettre au service de la république de Gilead, récemment fondée par des fanatiques religieux, son attribut le plus précieux : sa matrice.
Vêtue d’écarlate, à l’exception des voiles blancs de sa cornette, elle accomplit sa tâche comme une somnambule. Doit-elle céder à la révolte, tenter de tromper le système ? Le soir, Defred regagne sa chambre à l’austérité monacale.
Elle songe au temps où les femmes avaient le droit de lire, d’échanger des confidences, de dépenser de l’argent, d’avoir un travail, un nom, des amants…C’était le temps où l’amour était au centre de tout. L’amour, cette chose si douce aujourd’hui punie de mort…

Mon avis :

Pour cette chronique, je vais surtout m’adresser aux femmes qui me lisent. Non pas que les hommes ne puissent pas lire ce livre mais je pense qu’ils ne seront pas touchés de la même manière.

C’est une claque que je viens de me prendre, une claque magistrale et je suis toujours en train d’essayer de comprendre ce que je ressens, ce que j’ai compris. Je vous écris cette chronique alors que j’ai refermé le livre il y a à peine une heure. Ce n’est pas dans mon habitude, normalement je me laisse un peu de temps histoire de prendre du recul et d’essayer d’écrire quelque chose de cohérent, d’objectif mais là, j’ai besoin de le faire à vif, de vous vider mes tripes.

La servante écarlate est l’histoire d’une femme, Defred, ce n’est pas son vrai nom, elle n’a plus le droit d’être nommée autrement que par l’objet qu’elle représente.
Elle vit aux Etats-Unis mais pas ceux que nous connaissons actuellement, elle vit dans un pays où il y a eu un bouleversement…bouleversement, ce mot me paraît bien fade par rapport à ce qui est arrivé mais je n’en trouve pas de meilleur pour l’instant.
Dans ce nouvel état, elle n’est plus une femme libre, non elle a tout perdu et a été réduite à une unique fonction primaire : celle de concevoir des enfants.
Elle n’a plus le droit d’écrire, de lire, d’écouter de la musique, de travailler, d’aimer librement, de choisir ce qu’elle va manger, de discuter avec les autres. Elle n’a plus le droit d’être un être humain.
Elle va nous raconter sa vie dans la nouvelle maison où elle a été affectée. Sa mission est simple : tomber enceinte du commandant qui gère cette maison. Quand elle n’est pas occupée à fixer le plafond pendant que l’homme fait son affaire, elle attend, elle se rappelle, elle essaye de rester la tête hors de l’eau alors qu’aucune échappatoire ne semble être à sa portée.

Pourquoi cela m’a autant touché ? Parce que cette histoire m’en rappelle d’autres, qui ont eu lieu ou qui ont encore lieu actuellement. Souvenons-nous qu’en France, il a fallu attendre 1965 pour que les femmes mariées puissent avoir un compte en banque qui ne soit plus géré par leur mari. Souvenons-nous de l’Iran qui, avant d’être l’état totalitaire que nous connaissons et où les droits de la femme sont bafoués, était un pays où les femmes avaient le droit de se promener en jupe (cela peut paraître futile mais pouvoir décider de comment on va s’habiller est une liberté). Souvenons-nous qu’avant que les Talibans prennent le pouvoir  en Afghanistan, les femmes ne portaient pas la burqa avec toute l’horreur que l’on sait derrière ce symbole de l’oppression. Cette burqa résonne affreusement dans le livre car les femmes sont obligées de porter des vêtements bien spécifiques suivant leur position (ménagère, servante écarlate, épouse officielle…) et la servante est cachée sous ses vêtements, elle ne doit pas être vu et n’a pas le droit de voir. On lui reproche d’être un appel aux péchés pour les hommes…cela ne vous rappelle pas certains discours que nous pouvons entendre ?
De nombreux exemples vous viennent aussi à l’esprit, n’est-ce pas ?

A l’heure où je lis de nombreux articles sur le slut-shamming, la culture du viol ou le machisme au quotidien, ce livre me fait peur car je me dis : et si, un jour cela m’arrivait ? Que ferais-je ? J’ai le même dilemme que Defred, faudrait-il plier l’échine pour rester en vie ou hurler, quitte à y laisser la vie, mais refuser coûte que coûte cette horreur ?
Je n’ai pas de réponse que des interrogations, des réflexions personnelles.

J’ai envie de dire merci à la vie d’être née dans un pays qui, même s’il n’est pas parfait, m’offre une certaine forme de liberté qui n’est pas des moindres. Après tout, j’ai le droit de choisir ma vie, de vivre seule sans qu’un homme ne me surveille, je peux décider si oui ou non je veux des enfants et avec qui, je choisis librement qui je vais aimer.
Mais en même temps, j’ai envie de hurler, de lutter contre toutes les inégalités qui existent encore pour les femmes et pas seulement en France mais dans le monde, je m’en veux de parfois détourner mon regard face à certaines situations sous prétexte que je ne peux rien y faire car est-ce la vérité ? N’est-ce pas le début de la résignation ?
Après tout, c’est ainsi que cela commence dans le livre : il y a quelques actions disparates, cela montre crescendo et lorsque les femmes réalisent, il est déjà trop tard, le piège s’est refermé sur elles.

Ce livre et l’héroïne n’ont pas fini de me faire réfléchir. Pour moi, ils sont une révélation car je réalise pleins de choses et que je veux crier haut et fort que je suis une femme.
Cela peut paraître stupide mais jusqu’à présent, je ne m’étais jamais réellement arrêtée sur ma condition. Biologiquement, je connais ma différence par rapport aux hommes mais pour moi, cette différence s’arrêtait là. Un homme aura souvent une force physique supérieure à moi, oui c’est vrai mais bon nombre de femmes aussi. A côté de cela, je ne me considère pas moins intelligente que les hommes, moins courageuse qu’eux, je suis autant capable qu’eux et peu importe le domaine. C’est l’éducation que j’ai reçue et cela m’a toujours fait avancer dans la vie.
Je me rends compte aujourd’hui  que j’ai toujours considéré cela comme un acquis, une chose qui allait de soi mais ce livre me rappelle que non, tout le monde ne pense pas comme moi, ne considère pas que toute vie à une valeur et peu importe son sexe. Les infos m’en donnent des exemples tous les jours mais j’ai refusé de le voir et de l’accepter.

Je pourrais vous dire que c’est une sorte d’épiphanie mais là encore le terme adéquat m’échappe, je suis à vif, j’ai du mal à ordonner mes idées comme je le voudrais mais d’un autre côté, je ne veux pas les ordonner, je veux les crier, c’est ce que j’ai voulu durant toute la lecture de ce roman. D’où un avis qui ne ressemble pas à ce que je fais d’habitude.

Je vous encourage profondément à lire ce livre, vous n’en ressortirez pas indemne mais d’une certaine manière, cela fait du bien.
Il y avait très longtemps qu’un livre ne m’avait pas autant bouleversée.

Pour ceux et celles qui voudraient lire un autre avis, je vous renvoie sur le blog de T., c’est elle qui m’a mis ce roman entre les mains, d’ailleurs je l’en remercie, et son avis est vraiment intéressant : son avis

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire